j’ai décidé de demander de l’aide
pour arrêter de briser des cœurs
pour arrêter de briser le mien
pour me faire le cadeau
de pouvoir respirer
de me laisser approcher
de me laisser être aimée
et aimer
les yeux au plafond
j’entends mon coeur battre
on me pose des questions auxquelles les réponses sont si brutalement évidentes
que je me cache de honte derrière mes deux mains fébriles
et je sais que j’avance
en un an j’ai tant compris
je me sens marcher avec un brin de confiance
mais quand il faut tout rouvrir
pour découvrir sous le bandage
que tout saigne encore
que chaque horreur
en a couvert une autre
que mon corps et coeur ont cessé de ressentir quelque douleur
que je ne savais même pas que j’avais mal
ça m’épuise.
décider de ne pas prendre dix verres
décider d’écrire
décider de ne pas tout détruire
décider de me laisser aller dans la mer
de fermer les yeux et sentir le soleil sur ma peau
et chaque jour
dans le métro, mon lit, un amphi
décider de ramener mon propre corps sur la jetée quand je suis à la dérive
décider d’être courageuse et de ne pas disparaître
décider de vivre une vraie vie.
guérir
guérir c’est accepter
de prendre la taille au dessus
d’essayer les médicaments
de s’éloigner de la bordure du quai
de se pardonner pour le mal qu’on a fait quand on avait si mal
de dire la vérité rien que la vérité toute la vérité quand on me demande « qu’est-ce qui vous est arrivé »
de prendre un grand bol d’air frais
d’attraper une main qu’on me tend
croire quand on me dit
« vous allez vous en sortir »
guérir c’est aussi replonger
savoir, cette fois, qu’une sortie existe
être prise au piège de ces troubles dont l’on connaît maintenant chaque origine et mécanisme
se prendre une gifle d’horreur dans le havre de paix que l’on a mis tant de cœur à créer
et attendre patiemment que la tempête se calme
le lendemain, sortir du lit, se maquiller, s’acheter un café qui réconforte mieux que personne et réessayer, encore une fois
guérir prend plus d’une saison
la fleur ne fane pas mais s’ouvre chaque printemps un peu plus, embrassant le monde et protégeant sa tige contre les bourrasques à venir
guérir demande des lectures éprouvantes car édifiantes
et on sait que ça marche quand on réalise qu’on a aucune idée de qui on est
quand on comprend qu’on s’est bâtie pour se protéger, ce qui implique de plaire et de satisfaire
quand on rapprend à respirer et que notre corps lâche pour la première fois depuis une éternité, qu’on ne pensait jamais pouvoir sentir une délivrance, brève mais si douce, aussi profonde que celle là
quand on retrouve sa boussole dans le froid glacial à des milliers de kilomètres de là où tout a commencé
guérir c’est faire lumière sur les plaies qui ont traversé et marqué des générations
guérir c’est être celle qui met un terme aux chimères qui nous ont été transmises et dire que l’histoire s’arrête avec nous
guérir c’est ressentir au plus profond de soi la douleur de ses aïeux et choisir de pardonner plutôt que de maudire
guérir c’est être pleine de blessures et porteuse d’espoirs éternels
guérir c’est affirmer au ciel, aux nuages dans lesquels on devine ceux que l’on a tant aimé : je choisis le bonheur qu’on a essayé de nous voler et je ne t’en veux plus de n’avoir pas su résoudre ce qui te tourmentait
guérie c’est accepter le passé et prendre responsabilité du présent
guérir c’est laisser tomber la honte pour s’accrocher à la vie et reconstruire sa dignité